Comprendre son corps pour mieux avancer
Randonnée. Un mot qui évoque le souffle court au sommet, l’odeur de la terre humide à l’orée d’un sentier, et cette fatigue exquise en posant son sac à dos après plusieurs heures de marche. Mais entre les panoramas à couper le souffle et les jambes qui flanchent, une question se pose : comment gérer intelligemment son effort pour aller plus loin, plus longtemps, et surtout, avec plus de plaisir ?
Gérer son effort, ce n’est pas brider son élan, ni se transformer en robot calculateur de calories. C’est apprendre à écouter, ajuster, anticiper. Et c’est surtout savoir que l’on n’est pas obligé de finir sur les rotules pour avoir vécu une belle aventure.
Le rythme : cette musique intérieure qu’il faut apprivoiser
On a tous connu ce moment d’euphorie en début de sentier. Le cœur qui bat fort, les jambes qui ont des fourmis d’impatience, et cette envie de « foncer » comme si le sommet devait être atteint en un seul souffle. Mauvaise idée. La randonnée, surtout quand elle est engagée, ressemble davantage à une course d’endurance qu’à un sprint de montagne.
Un rythme bien géré, c’est souvent un rythme… ennuyeux. Du moins au début. Celui qui donne presque l’impression d’en faire trop peu. Pourtant, ce tempo modéré préserve le souffle, évite l’accumulation d’acide lactique dans les muscles, et laisse de l’énergie pour les passages techniques ou les pentes plus rudes qui viendront plus tard.
Conseil d’Armand : adoptez le principe du “RYT” – Respire, Y pense, T’accélères pas. Si vous pouvez discuter sans être essoufflé, c’est que vous êtes dans une bonne zone d’endurance.
Fractionner l’effort : la stratégie du randonneur patient
Un bon randonneur est un peu comme un grimpeur de haute montagne : il sait que le chemin se gagne palier par palier. Fractionner son effort consiste à diviser la randonnée en sections, en s’autorisant de courtes pauses régulières, plutôt que d’attendre l’épuisement pour s’arrêter. Cela permet de mieux ventiler, de réhydrater le corps intelligemment et d’éviter l’effet « mur ».
Petit rappel : ces pauses ne sont efficaces que si elles ne durent pas trop longtemps, au risque de casser le rythme global. Deux à trois minutes suffisent souvent à remettre le moteur en marche.
La respiration, fidèle complice de l’endurance
Une randonnée mal respirée est souvent une randonnée écourtée. Nombreux sont ceux qui, par manque d’oxygénation optimale, montent trop vite en fréquence cardiaque et s’épuisent inutilement. Respirer par le nez à l’effort modéré permet de mieux filtrer l’air, de le réchauffer et d’améliorer l’oxygénation des tissus. En montée, le passage à une respiration naso-buccale devient souvent inévitable. Mais quoi qu’il arrive, l’idée est de respirer profondément, et non rapidement.
Astuces pratiques :
- Inspirez sur deux pas, expirez sur deux pas. Puis adaptez ce rythme selon la pente.
- Utilisez la respiration pour ralentir le cœur quand vous sentez l’effort vous submerger. Prenez cinq grandes inspirations profondes, yeux fermés, debout face au paysage. Simple et efficace.
Le rôle essentiel de l’hydratation et de la nutrition
Nul besoin d’avoir un doctorat en diététique pour comprendre cela : une voiture sans essence, même 4×4, ne va pas très loin dans les sentiers escarpés. Il en va de même pour notre corps. L’eau et l’énergie sont vos alliées silencieuses. Si vous attendez d’avoir soif ou faim, c’est déjà trop tard.
Quelques repères concrets :
- Buvez toutes les 15-20 minutes, même par temps frais. Transportez une gourde accessible ou une poche à eau avec pipette.
- Prévoyez des encas réguliers : fruits secs, barres énergétiques maison, fruits frais pour les randonnées à la journée. Mieux vaut « grignoter » souvent que de faire un gros repas qui plombe la digestion.
Armand vous le dira : une poignée de noix du Brésil et une tranche de pommes séchées ont souvent plus de valeur, moralement et physiquement, qu’un sandwich industriel avalé en vitesse au sommet.
Optimiser sa foulée et sa posture
Marcher, ce n’est pas juste avancer. C’est un jeu d’équilibre, de placement, de fluidité. Une foulée trop longue en montée, c’est puiser dans ses quadriceps plus que de raison. Un pas trop court en descente, c’est freiner à chaque mètre, faire chauffer les genoux, râler contre la gravité… puis contre soi-même.
Le secret est souvent dans la régularité et la souplesse. Adoptez un pas ni trop grand ni trop mécanique, mais dynamique et ancré. En descente, pensez à amortir avec les bâtons ou fléchissez légèrement les genoux pour mieux accompagner le terrain.
À tester : la fameuse technique du « pas du mulet » : montée lente, regard à hauteur de genou, dos droit, impulsion depuis les hanches. Une allure économe qui roule sur des heures sans casser le moral ni les jambes.
Bâtons de randonnée : l’extension de vos jambes
Ils sont souvent boudés par les débutants, pris pour de simples accessoires. Erreur. Les bâtons sont en réalité de véritables prolongements de votre corps, capables de répartir la charge musculaire sur les bras, de stabiliser votre rythme, et d’économiser jusqu’à 25 % de l’effort sur terrain accidenté.
Apprenez à vous en servir intelligemment :
- Réglez leur hauteur à la perpendiculaire du coude sur terrain plat, puis ajustez selon les pentes.
- Utilisez-les pour « planter » le rythme en montée, ou freiner doucement en descente.
- Ne les portez pas inutilement sur le sac à dos. Quand les mains sont libres de pousser, le dénivelé se fait plus docile.
Et puis, reconnaissons-le, il y a quelque chose de profondément satisfaisant dans le “clic-clic” régulier des pointes sur la roche. Presque une musique de marche, un battement de cœur synchronisé.
Gérer la météo… et ses propres humeurs
Même bien entraîné, même bien équipé, le randonneur reste un humain sensible à la lumière, au vent, au brouillard et… aux idées noires. Ce n’est pas qu’une question de jambes : le mental joue un rôle cardinal. Un ciel couvert ou une averse soudaine suffit à entamer la motivation si l’on n’y est pas préparé.
Prévoyez chaque sortie comme si vous alliez affronter un petit bout de nature imprévisible. Ayez toujours dans votre sac :
- Une couche chaude et une légère couche imperméable.
- Un bonnet ou bandeau pour limiter les pertes de chaleur par la tête.
- Un petit en-cas « doudou » : chocolat noir, pâte d’amande maison ou encore sachet de thé chaud glacé.
Sans oublier l’indispensable : cette volonté discrète, cette musique intérieure qui murmure « un pas de plus », même quand l’envie se fait la malle temporairement. Parfois, il suffit de lever les yeux vers les sapins battus par le vent, ou de sentir l’haleine brûlante d’un orage approchant, pour se reconnecter à cette force brute du vivant qui vous pousse à continuer.
Finir en beauté : la récupération, phase trop souvent oubliée
Une fois arrivé, n’éteignez pas l’interrupteur si vite. Le corps ne passe pas du mode effort au mode canapé d’un coup sec. Prenez le temps de marcher encore doucement, de souffler, d’étirer légèrement les chaînes postérieures. Engagez une récupération active : petit massage des jambes si possible, hydratation douce, et pourquoi pas un bain de pieds dans un torrent pour les plus audacieux ?
La randonnée ne se termine pas au dernier pas, mais dans ce relâchement conscient où chaque muscle absorbe l’expérience et se prépare au retour. C’est dans cette phase que l’on tisse les futures envies de départs.
Randonner, ce n’est pas lutter contre la fatigue, c’est danser avec elle. En gérant mieux vos efforts, vous ne ferez pas que franchir les cols – vous prolongerez l’aventure, la rendrez plus riche encore. Le corps suit, mais c’est l’âme du marcheur qui écrit l’histoire. Alors, prêt pour de nouveaux sentiers ?
