Pourquoi partir en solo ?
Se retrouver seul face à l’immensité. Sentir chaque pas résonner dans sa tête. Être maître de son rythme, de ses choix, de ses erreurs. Il y a quelque chose de brut, d’essentiel dans l’aventure en solitaire. Si certains y voient une prise de risque inutile, d’autres pressentent l’occasion rêvée de renouer avec eux-mêmes, loin du brouhaha quotidien, coupés du flux continu des notifications. Partir seul, c’est apprendre à écouter le vent, la pierre, ses doutes aussi. Mais pour tirer le meilleur de cette expérience intense, une préparation rigoureuse est indispensable.
Choisir son itinéraire avec sagesse
Ce n’est pas le moment d’improviser un trail sauvage de 120 km dans les Alpes sans balisage. En solo, le bon sens est votre meilleur allié. Prenez le temps d’analyser la difficulté de l’itinéraire, la météo prévue, la densité de fréquentation (trop isolé, c’est risqué ; trop fréquenté, c’est moins dépaysant), et bien sûr, vos compétences techniques. Une sortie en autonomie ne pardonne pas l’amateurisme.
Un bon repère : choisissez un itinéraire que vous maîtrisez à 120 % en groupe avant d’y retourner seul. Cela peut être une randonnée de deux ou trois jours sur le GR20, un bivouac tranquille dans les Écrins ou même une micro-aventure à quelques heures de chez vous. L’important, c’est de connaître les enjeux — et vos limites.
Informer, planifier, sécuriser
Avant de larguer les amarres, informez une personne de confiance :
- Votre itinéraire détaillé
- Votre heure estimée d’arrivée
- Les points d’étape ou de ravitaillement
Et surtout : donnez-lui une heure à partir de laquelle elle doit alerter les secours si vous êtes injoignable.
Quant à vous, n’oubliez pas de vérifier que votre téléphone est bien chargé avant le départ, d’emporter une batterie externe (ou deux), et pourquoi pas une balise GPS Spot ou un Garmin inReach si vous partez en zone isolée. Ces petits bijoux technologiques peuvent littéralement sauver une vie — la vôtre.
Packs essentiels pour l’aventure solo
Quand on part seul, chaque gramme compte mais chaque erreur aussi. Tout le matériel que vous emportez doit répondre à un principe simple : fiabilité et autonomie.
Voici une liste (incomplète mais prioritaire) de ce qu’il ne faut surtout pas négliger :
- Tente légère ou tarp + sac de couchage adapté à la saison : vous êtes votre propre abri.
- Réchaud et nourriture lyophilisée : même en mode minimaliste, il faut manger chaud.
- Système de filtration d’eau : type Sawyer, Katadyn ou pastilles purifiantes.
- Trousse de secours complète : avec pansements, gazes, désinfectant, médicaments de base, pince à tique… et savoir s’en servir !
- Lampe frontale avec piles de rechange
- Couteau multifonction : l’outil suisse reste un classique pour de bonnes raisons.
- Carte & boussole : même si vous avez un GPS, les bases restent essentielles.
J’aime aussi glisser dans mon sac un petit carnet étanche et un crayon à papier. Oui, à l’heure du smartphone, c’est old school. Mais écrire ses impressions au bivouac, dans un silence absolu, ça laisse des traces plus durables que les likes.
Se connaître : son rythme, ses signaux d’alerte
En groupe, on se motive, on relativise ses douleurs, on s’adapte. En solo, l’écho de la fatigue est sans filtre. Une entorse mal gérée, une hypoglycémie ou un coup de chaud peuvent vite tourner court. Il faut donc apprendre à écouter en profondeur son corps, à détecter les signes avant-coureurs (échauffement, essoufflement anormal, perte d’équilibre…).
Règle d’or : adoptez un rythme conservateur. Ce n’est pas un trail. Il ne s’agit pas de forcer, mais de durer. S’il faut s’arrêter dix fois par heure, faites-le. Si un crux technique vous paraît soudain hors de portée, ne poussez pas. Le seul objectif, c’est de revenir entier. Le reste est accessoire.
Anecdote : une nuit inattendue dans le Jura
Je me souviens d’une sortie en solitaire dans le Jura, fin novembre. L’itinéraire paraissait simple : boucle de 25 km, itinéraire connu, météo annoncée fraîche mais stable. Sauf que j’avais oublié un détail : le vent du nord. À -3°C, sans abri prévu hors de la tente et un sac un peu trop léger, j’ai rapidement compris que je payais mon excès de confiance. La nuit fut longue, les pieds glacés, les doutes nombreux.
Cette leçon m’a vacciné contre l’approximation. Depuis, je considère toujours le scénario pire cas. Et à tous ceux qui doutent encore : -3°C statique n’a rien à voir avec -3°C en randonnée active. L’énergie chute vite. Très vite. Soyez prêt.
Le mental : votre meilleur allié, ou votre pire ennemi
Ce qui rend l’aventure solo si particulière, c’est l’introspection. Le jour, on suit le sentier, yeux rivés sur les marques. Mais la nuit, au bivouac, quand plus aucun bruit ne vient distraire votre esprit, la solitude s’invite, entière. Certains y puisent une force intérieure insoupçonnée ; d’autres vacillent dans une spirale de doutes.
Pour rester serein :
- Emportez quelques repères familiers : une mini-enceinte, un podcast, un carnet.
- Évitez les peurs parasites : une marmotte n’est pas un loup (oui, même en pleine nuit).
- Pratiquez la respiration consciente pour gérer le stress et l’anxiété.
Et rappelez-vous pourquoi vous êtes là. Par choix. Pour revenir un peu différent, un peu plus solide.
Et si ça tourne mal ?
Partir seul, c’est aussi accepter qu’un incident peut survenir. C’est rare, mais ce n’est jamais impossible. Voici ce que j’applique — et recommande — en cas de pépin :
- Gardez votre calme : le stress précipite les mauvaises décisions.
- Analysez la situation : blessure, météo, orientation ? Qu’est-ce qui prime ?
- Utilisez vos ressources : tente, feu, couverture de survie, réchaud… tout ce que vous transportez doit être activable facilement.
- Communiquez dès que possible : via téléphone, radio, balise satellite.
Dans ma routine de préparation, je refais toujours le point sur les bases du survival kit : comment stabiliser un membre, allumer un feu sous la pluie, alerter les secours. Cela ne prend que quelques heures à apprendre — mais peut vous faire gagner une seconde vie.
Doser la solitude : un chemin vers soi
Au fil de chaque aventure en solo, quelque chose se transforme. Un regard plus sûr, un geste plus calme, une écoute plus fine. Partir seul, c’est s’offrir le luxe du temps long, celui dans lequel les idées prennent racine. Là où la peur devient moteur, et la nature, une confidente silencieuse.
Vous reviendrez les jambes plus lourdes, peut-être. Fatigué, sans doute. Mais grandi. Car au-delà des kilomètres parcourus, c’est sur vous-même que vous aurez marché. Et ça, aucune carte ne le mesure.
