Quand la route devient longue : comprendre les baisses de motivation
La randonnée. Ce n’est pas simplement avancer d’un point A à un point B. C’est aussi – et surtout – un voyage intérieur. Mais parfois, après plusieurs jours, plusieurs montées, ou plusieurs ampoules, cette voix intérieure qui portait nos pas se met à douter. Les jambes brûlent, le moral flanche, et soudain chaque kilomètre devient un combat.
C’est là que la motivation devient un véritable outil de survie. Pas forcément celle qui crie « allez, plus vite », mais celle, plus subtile, qui murmure simplement : « continue ».
Voici comment, au fil de mes périples sur les sentiers de l’Atlas comme dans les forêts du Vercors, j’ai appris à cultiver cette endurance mentale. À rester motivé même quand le sac semble peser le double de son poids au départ.
Se recentrer sur le pourquoi
Chaque longue randonnée commence avec une raison. Ça peut être un sommet à atteindre, une promesse faite à soi-même, un besoin d’air ou la quête d’un silence que seuls les grands espaces savent offrir. Lorsque la fatigue prend le dessus, revenir à ce “pourquoi” peut être salvateur.
Sur le GR20, en Corse, je me souviens d’un matin glacial où je me demandais franchement ce que je fichais là. Mais en fouillant dans mes motivations – tester mes limites, m’imprégner de la montagne, trouver du recul – j’ai trouvé la force de relacer mes chaussures.
Gardez cette raison en tête. Écrivez-la sur une carte, un carnet, un caillou si besoin. Et relisez-la quand le pas devient lourd.
Fixer des objectifs intermédiaires
Le danger dans une longue marche ? Voir trop loin. Quand le sommet ou le refuge est à 25 kilomètres, le cerveau peut se sentir dépassé. Le remède : morceler le parcours. Avancer objectif par objectif. Un ruisseau à traverser, une crête à atteindre, une pause pique-nique dans une clairière. Chaque petite cible atteinte alimente le moteur de la motivation.
Cela crée une sensation de progression constante. Et on le sait bien : rien n’alimente mieux la volonté que la réussite, même minuscule.
Ritualiser l’effort
L’humain aime les routines. Elles rassurent, structurent, et redonnent du sens à la répétition. Pourquoi ne pas créer votre propre rituel de marche ? Un petit geste chaque matin (je bois toujours la même gorgée de maté face à l’horizon avant de boucler mon sac), une chanson que vous fredonnez dans les montées, une pause étirements toutes les heures.
Le fait de ritualiser des moments d’effort ou de récupération peut agir comme un ancrage mental. Le corps sait ce qui vient ensuite, le cerveau anticipe, et tout semble plus gérable.
Dialoguer avec soi-même (et le groupe)
Lorsqu’on marche longtemps, le mental devient notre colocataire. Autant s’entendre avec lui. Je me suis surpris, en trek solitaire en Laponie, à carrément converser à voix haute avec moi-même. Oui, j’avais l’air d’un fou, mais dialoguer permet de sortir les idées noires, de les reformuler… et souvent de les relativiser.
Si vous êtes en groupe, utilisez la force du collectif. Partagez vos coups de mou. Une phrase bienveillante ou une blague au bon moment peuvent faire des miracles. Et inversement, en remontant le moral des autres, on renforce aussi le sien.
Soigner son corps pour alléger l’esprit
La motivation s’essouffle vite si le corps souffre. Ampoules, douleurs dorsales ou brûlures d’épaule peuvent s’infiltrer insidieusement dans le mental. D’où l’importance capitale de la prévention :
- Choisissez des chaussures déjà rodées et adaptées à votre terrain.
- Adoptez un rythme régulier, sans à-coups ni orgueil.
- Écoutez vos signaux : une gêne naissante doit être traitée tout de suite (un pansement, une pause, un étirement).
- Optez pour la légèreté : chaque objet inutile devient une ancre.
Un corps bien traité devient un allié précieux pour préserver l’envie d’avancer.
Utiliser la musique, les podcasts… ou le silence
Dans certaines étapes particulièrement redondantes (les longues pistes sans fin, les plateaux sans relief), un fond sonore peut faire des merveilles. Une playlist au rythme calé sur votre pas, un podcast captivant, ou même une conférence qui vous stimule intellectuellement. Cela distrait, raccourcit la perception du temps, et remet du carburant dans la machine mentale.
À l’inverse, il m’arrive souvent, dans les zones de pleine nature, de tout éteindre pour écouter les bruits du vent, des oiseaux, de mes pas. Le silence devient alors un compagnon puissant, apaisant, presque méditatif. Chacun son style, l’essentiel est de trouver ce qui vous nourrit.
Visualiser l’arrivée… mais pas trop tôt
Imaginer son arrivée, la bière fraîche au refuge, le plat chaud ou même la simple action de déchausser peut redonner un petit coup de fouet précieux. Cette visualisation positive fait appel à notre système de récompense interne.
Mais attention à ne pas vous projeter trop loin, trop tôt. Si vous commencez à rêver de confort dès le troisième kilomètre, le reste va sembler insurmontable. Gardez cette image comme un phare, mais marchez sans trop lever les yeux. Le chemin mérite aussi d’être vécu pas à pas.
Changer de discours intérieur
« Je suis nul », « je n’y arriverai jamais », « c’est trop dur »… Ces phrases passent parfois dans nos pensées comme des nuages. Il ne s’agit pas de les ignorer, mais de les transformer.
Remplacez-les par des affirmations plus constructives : « Je fais de mon mieux », « Chaque pas me rapproche », « J’ai déjà dépassé des situations plus dures ».
Cela peut paraître simpliste, mais le langage intérieur crée notre réalité bien plus profondément qu’on ne le pense. Soyez votre propre soutien.
Laisser place à l’imprévu… et s’en émerveiller
Si vous vous attendez à une randonnée linéaire et parfaitement conforme à vos plans, vous risquez la déception. Or, l’inattendu, même quand il dérange, est une source de vitalité. Une rivière trop large oblige à retrousser son pantalon et rire sous les éclaboussures. Un détour imprévu révèle une cascade secrète. Un bivouac improvisé devient l’un des plus beaux souvenirs du périple.
Rester ouvert au changement de cap, c’est garder son esprit éveillé, et donc motivé.
Créer un lien avec le paysage
Marcher, ce n’est pas juste avancer. C’est aussi contempler. Faites l’effort de vraiment regarder autour de vous. Apprenez les noms de quelques plantes, observez les jeux d’ombre dans les vallées, les traces d’animaux dans la boue. Chaque étape devient alors une découverte sensorielle et intellectuelle.
Personnellement, j’ai toujours un petit carnet où je note une chose nouvelle par jour. Une odeur, un insecte, une pensée. Cette curiosité transforme la routine en aventure.
Et surtout : accepter que tout moment de creux finit par passer
La baisse de motivation n’est pas une défaite. C’est une étape parmi d’autres. Elle peut durer une demi-heure ou une journée entière, mais elle finit toujours par céder. À la pluie succède souvent une éclaircie, à la lassitude une deuxième énergie. Le tout est de continuer – pas à pas, lentement s’il le faut – mais de continuer quand même.
Au final, la motivation n’est jamais une ligne droite. C’est une pente, parsemée d’obstacles, de glissades, de rebonds et de vues spectaculaires. Chaque randonneur y trace sa propre ligne de crête. Mais tous ceux qui vont au bout ont un secret commun : ils n’ont pas cherché à tout dominer. Ils ont appris à avancer avec.
Gardez cela à l’esprit pour votre prochain sentier. Et si le moral vacille, relisez ces lignes. Elles ont été écrites sur le rythme d’une marche bien réelle, avec le souffle court mais l’esprit grand ouvert. À bientôt, là-haut.

